« Ma petite », « ma jolie »: le sexisme toujours bien ancré au travail

« Ma petite », « ma jolie »: le sexisme toujours bien ancré au travail

« Comment ça va ma petite? », « ma jolie »: qu’il passe par un humour graveleux, des attaques plus frontales ou une forme de paternalisme néfaste, le sexisme reste bien ancré dans le monde du travail, un phénomène qui n’est pas sans conséquence sur la carrière des femmes.

Un rapport du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle (CSEP) remis vendredi à la ministre des Affaires sociales Marisol Touraine deux jours avant la Journée internationale des femmes rappelle les résultats d’une enquête de 2013 à laquelle quelque 15.000 salariés ont répondu.

Celle-ci montrait que 80% des femmes salariées étaient régulièrement confrontées à des attitudes ou décisions sexistes, une femme sur deux ayant notamment été la cible de blagues. Or, ce sexisme, « qui fonctionne comme un redoutable instrument d’exclusion des femmes de la sphère professionnelle et leur signifie qu’elles ne sont pas à leur place », a des répercussions sur la confiance en soi, la performance et le bien-être au travail: 93% des salariées estiment que cela peut amoindrir leur sentiment d’efficacité.

Dans un entretien à Metronews, Marisol Touraine, note que le phénomène « a la vie dure », et juge son impact sur les femmes « inacceptable ». Pour la ministre, « le sexisme ordinaire, c’est celui qui veut qu’on appelle une femme systématiquement par son prénom, ou qu’on s’adresse à elle en lui disant +ma petite+, tout en sachant très bien que c’est dévalorisant ».

– Faire reculer la loi du silence –

Elle ne juge toutefois pas nécessaire de légiférer car la loi « est beaucoup plus protectrice qu’on ne l’imagine », mais souligne la nécessité de « faire reculer la loi du silence ». La ministre note tout de même que « les mentalités changent », comme le montre une autre enquête publiée vendredi par la Drees, service de statistiques ministérielles, sur les stéréotypes.

Selon cette enquête, 21% des personnes interrogées sont « plutôt d’accord » pour dire que « dans l’idéal, les femmes devraient rester à la maison pour élever leurs enfants », une proportion en baisse de 12 points depuis 2008. Mais un quart des hommes (24%) et presque autant de femmes (23%) pensent encore qu’un homme a naturellement plus d’autorité.

Un autre sondage CSA pour l’Humanité, publié vendredi (1.010 personnes interrogées en ligne du 2 au 4 mars) montre que la situation reste insatisfaisante pour les femmes, en particulier au travail. Elles ne sont ainsi que 41% à faire état de progrès pour l’accès au marché du travail. Les auteurs du rapport relèvent de leur côté que la notion de sexisme a un côté « tabou ». Ils reconnaissent aussi que « la limite entre les actes, propos, attitudes acceptables et ceux qui ne le sont pas, (…) entre les propos blessants et humiliants et les propos humoristiques » n’est pas évidente.

Le rapport d’une centaine de pages s’attèle donc d’abord à définir le sexisme. Trois formes sont recensées: le sexisme « hostile » du type « les femmes sont nulles en mathématiques », le « sexisme subtil ou masqué », qui passe notamment par l’humour, ou le « sexisme ambivalent, voire bienveillant » comme le paternalisme infantilisant. Dans un second temps, ils se penchent sur le sexisme dans le droit, notant sa « quasi-inexistence » ou une « approche floutée », même si d’autres notions comme le harcèlement peuvent être utilisées. Enfin, le rapport examine les outils mis en place par les entreprises, comme les règlements intérieurs ou les chartes. Pour mieux combattre le phénomène, le rapport formule 35 préconisations comme de mieux mesurer le sexisme dans les enquêtes ou de lancer une campagne dans les médias. Ils recommandent aussi de renforcer les formations des managers, dirigeants et autres acteurs du monde du travail, ou d’inciter les entreprises à insérer dans leur règlement intérieur un passage invitant à « un comportement respectueux ».

Les auteurs rappellent au passage que le mot « sexisme » n’est entré dans Le Petit Robert qu’en 1978, ce qui avait suscité ce commentaire de Simone de Beauvoir: « On pensera peut-être que cette conquête est mineure: on aura tort », car « nommer c’est dévoiler. Et dévoiler, c’est déjà agir ».

Charlotte Hill – AFP

Auteur: SNU

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